L’anti-boulet (profession : gilet de classe)

Elle m’a tricoté il y a -attendez que je calcule- un peu moins de 30 ans je pense, c’était au siècle dernier en somme.
C’était l’époque où l’on achetait un sac de 10 pelotes chez Pingouin ou Phildar pour 30 francs (ne faites pas la conversion en euros, ça va vous faire mal), du pur acrylique en couleurs basiques, de l’increvable synthétique, lavable en machine et fabriqué en France pour un peu. Le bon temps quoi !
Regardez-moi, je trouve que je ne fais pas mon âge ! J’ai gardé mon blanc originel et la candeur de mes petits boutons pommes me donne un petit air juvénil.2014-06-17 08.13.23
J’ai passé ma jeunesse à crapahuter un peu partout, l’accompagnant  dans tous ses déplacements puis je fus petit à petit délaissé au profit d’autres tricots plus fantaisies, plus colorés, plus habillés, plus doux, que sais-je encore 😦 Je me souviens particulièrement d’un certain Mohair, « je vais plutôt mettre mon Mohair » minaudait-elle, je lui aurais bien réglé son compte à celui-là !
Peu porté à partir de cette époque, j’aurais pu croupir au fond d’une armoire ou être envoyé chez Emmaüs depuis fort longtemps mais j’ai eu la chance de devenir irremplaçable grâce à une reconversion très réussie : je suis devenu son gilet de classe.
En quoi cela consiste-t-il ? Il s’agit de :
-se laisser suspendre au porte-manteau (près de la porte, à droite en entrant) ;
-se tenir disponible jour après jour tout au long de l’année ;
-ne pas être claustrophobe ni impatient car on peut rester ainsi suspendu pendant plusieurs mois (je ne vous raconte pas les fourmis dans les manches !) ;
-ne pas craindre de passer ses vacances dans la classe désertée aux volets clos.
En bref, ce n’est pas une vie de rêve mais il y a de bons moments.2014-06-06 13.42.05

La journée-type que j’aime : on est au mois de mai-juin (ou septembre-octobre), le chauffage n’est plus (pas encore) en route, il fait gris, peut-être même qu’il pleut.
Je la vois arriver du coin de l’oeil, je la connais depuis le temps, je sais combien elle peut être stupide optimiste parfois ! Elle est en tenue légère, je me comprends, elle ne vient pas travailler en culotte hein ! Une petite robe sur un t-shirt manches courtes, des ballerines. Dans un premier temps, aux premiers frissons, elle va hésiter un peu, j’ai beau être blanc et par conséquent aller avec tout, elle n’a pas forcément envie de m’enfiler par-dessus sa jolie robe, je vais gâcher son look, pfff!
En plus, depuis quelques temps, elle trouve que je la grossis un peu avec ma forme sport et mon point en relief (je ne lui dis pas que c’est elle qui s’empâte car je suis un gentleman).
Je sais qu’elle va craquer quand la sensation de froid va l’envahir, surtout avec ses petites chaussures qui se sont gorgées de l’eau de la dernière averse. Elle va me décrocher de mon porte-manteau, me revêtir avec bonheur en frottant mes manches de ses mains (ça me chatouille!!!) et elle se sentira mieux.2014-06-06 13.52.05
Peut-être même -je n’ose l’espérer- va-t-elle m’emmener en récré ! C’est mon rêve : un peu d’air frais, un coin de ciel -même gris-, le souffle du vent dans les tilleuls et la preuve qu’elle n’hésite pas à m’exhiber aux yeux de ses collègues, signe qu’elle m’aime encore … ❤

 

28 commentaires sur “L’anti-boulet (profession : gilet de classe)

  1. Oooooh! quelle belle déclaration d’amour! Limite j’en ai une petite larme… Que de bons souvenirs! J’espere une happy end, peut etre que le gilet de classe va partir en vacances avec sa dulcinée?
    Vite une suite au prochain épisode !:)

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  2. Quel talent d’écrivain en plus. Des gilets ou pulls comme celui-là, j’en ai aussi. Que de souvenirs. Le bonheur suprême c’est quand ma fille de 20 ans me dit en rentrant « j’ai froid, tu n’aurais pas un vieux gilet moche à me prêter », sachant qu’il y en a des plus récents !

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    • Ah tu es gentille !
      Oui ça c’est le top, que nos tricots deviennent « trans-générationnels » … ça arrive aussi chez moi et je ne manque pas de me venger 😉

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  3. Ah on a tous un gilet qui traine ^^ Bon comme je n’arrive toujours pas à me motiver plus de 3 ou 4 rangs au point mousse, je ne connais pas encore la joie de porter son propre gilet…

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  4. Très bien écris! 😉 j’aime beaucoup et je me reconnais car je suis une « gardeuse » de vêtement qui ne me fait plus ou que je n’ai même jamais mis! Je les garde juste pour me souvenir…

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  5. J’adore ton article, on a toute un petit tricot chouchou 🙂
    J’ai un pull complètement trop grand que j’avais fait l’année dernière qui ne me va pas du tout mais que je met tout le temps (à la maison), il est trop doudou!
    Bisous

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    • Merci Aurélie !
      L’attachement qui se crée avec un vêtement fait-main passe parfois avant le fait qu’il nous aille ou pas, qu’il soit usé ou démodé, sans doute parce qu’on y a mis un peu de nous-même … c’est ce qui fait sa grande valeur 🙂

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  6. Quelle jolie profession ‘gilet de classe’ ! Et quel joli article, tende et poétique. On a toutes un quelques vêtements doudous, j’espère que ton beau gilet blanc a eu le droit de partir en vacances lui aussi 🙂

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  7. excellent ce post, enchantée de faire ta connaissance sieur Gilet de Classe, tu te rends compte à quel point ta présence sauve ta propriétaire de moments désagréables tout au long de l’année, et même si elle rechigne quelques fois, qu’elle hésite à avoir recours à toi, tu es l’éternel gagnant dans ce pari .. tu la réchauffes lorsque c’est nécessaire, alors prends bien soin d’elle durant ces prochaines années, qu’elle ne prenne jamais froid et ne lui en veut pas si elle te délaisse pendant de longs mois, toi tu es fidèle, tu ne fais pas l’école buissonnière et tu n’as jamais de mauvaises notes ….

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    • Ah merci, merci ! Je suis bien content de rencontrer quelqu’un qui me défende, qui me comprenne, ça me fait un bien fou au moral ! Depuis le temps que je le pense que je lui suis indispensable et que je suis le seul à prendre vraiment soin d’elle ! Mais heureusement je crois qu’elle a ouvert les yeux et je l’ai entendu dire que cette année elle allait m’offrir de vraies vacances … j’attends de voir hein ! Je te tiens au courant 😉

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  8. Belle seconde vie pour le gilet de classe, moi j’ai une cape bien chaude quand la clim est trop forte ‘comme en ce moment où le bel été est en retard’ pour réchauffer les tenues d’été à la bibliothèque…

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  9. J’arrive un peu tard, mais j’ai adoré lire cet article, il est très bien tourné, très drôle !
    Et puis qui (quelle femme ??) n’a pas à portée de main un vêtement de secours comme ce fabuleux gilet de classe ?
    En tout cas, vivement la rentrée et les matins frais d’automne !

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    • Il n’est jamais trop tard, je suis de celles à qui un gentil commentaire fait toujours plaisir 😉
      Oui on a tous(tes) nos anti-froid préférés, quant aux matins frais d’automne, j’espère bien qu’ils vont se faire un peu attendre 🙂

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  10. Très joli article, sur les objets que l’on aime… Moi aussi, j’ai un gilet fétiche… Une vraie horreur maintenant, mais comment le jeter ? Lorsqu’ils étaient petits, mes enfants disaient qu’il sentait « la maman » !

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